En octobre dernier, dans le cadre du Festival Lumière, les lyonnais avaient eu le privilège d'assister à un évènement exceptionnel à la Halle Tony Garnier avec la projection du film, aujourd'hui
devenu culte, LA PORTE DU PARADIS dans sa version restaurée et originale ( 3h39 au lieu des 2h30 au moment de sa sortie).
Autre chose exceptionnelle, c'est en la présence de son réalisateur, Michael Cimino, et de son actrice Isabelle Huppert que s'est déroulé cette séance.
Ceux qui étaient présents ( ils étaient 5000 en ce dimanche d'octobre) se souviennent encore, de ce moment d'émotion, celui d'un Michael Cimino, ému jusqu´aux larmes et apparemment extrêmement
touché par l'accueil chaleureux des lyonnais fait à son film 33 ans après sa sortie.
Ce dimanche-là, Telle une renaissance et comme pour conjurer le mauvais sort et le passé ( celui d'un film maudit au moment de sa sortie, lapidé par la critique et un échec cuisant au box
office), c'était un peu comme si Thierry Frémaux et les 5 000 spectateurs présents lui remettaient les clés d'Hollywood.
La venue de Michael Cimino à Lyon est resté l'un des moments forts du Festival Lumière 2012.
A peine remis de ce pure moment de cinema, l'Institut Lumière a annoncé le retour de Cimino à Lyon, dans le cadre de la première rétrospective intégrale de son œuvre.
4 mois après son inoubliable clôture du Festival et comme pour le remercier de son accueil, Michael Cimino est revenu à Lyon, le 20 Février, rencontrer à nouveau son public.
Un public au rendez-vous puisque les billets se sont envolés en l'espace de quelques heures seulement!
Moins protocolaire et plus intimiste, la salle de l'institut Lumière et ses 269 places nous ont offert un ( autre ) grand moment d'une toute aussi grande simplicité avec la projection en
copie neuve et inédite de VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER suivie d'une rencontre exceptionnelle avec son auteur de génie.
Ce film, je l'ai vu une seule et unique fois. Sur un petit écran de télévision et je devais avoir 15 ou 16 ans. Une chose est certaine, l'œuvre de Cimino retrouve toute sa dimension sur grand
écran et demeure, 30 ans après, un chef d'œuvre brillant et puissant, une fresque sidérante à revoir absolument!
On désigne souvent à tort, APCALYPSE NOW de Coppola comme étant le premier film américain qui traite de la Guerre du Vietnam. sorti un an avant, VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER est bel et bien le
premier film qui aborde ce sujet, encore très sensible dans l'opinion au moment de son tournage ( La guerre vient tout juste de s'achever ).
Thierry Frémaux, en parfait maitre de cérémonie, avait convié à nouveau "ce bon vieil Oncle Sam" qui avait apparemment, encore beaucoup de choses à nous raconter.
Au bout de 3h, après un beau voyage d'une grande intensité dramatique, le voyage se poursuit donc en compagnie de Cimino, 74 ans, venu avec son lot d'anecdotes, de souvenirs et...son chapeau de
cowboy.
Et on l'aurait écouté jusqu'au bout de la nuit...celui qui a interrogé à travers ses films le mythe américain et dressé le portrait du peuple américain.
-Il évoquera sa rencontre avec Clint Eastwood, aujourd'hui son ami, qui lui donna sa chance en produisant et incarnant son premier film, le Canardeur réalisé en 1973.
-Il évoquera aussi l'une des scènes les plus célèbres de VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER, celle de la roulette russe. La séquence dure 15 minutes et reste, pour moi, l'une des plus fortes du cinéma
américain de ces 30 dernières années.
En bon élève de l'Actor's Studio qu'il est ( formation naturaliste basée sur une identification totale au personnage ), De Niro a poussé les limites de ses performances en recevant pour de vrai
les coups portés par ses tortionnaires.
-Il évoque aussi le souvenir de l'extraordinaire John Cazale, révélé dans le rôle de Fredo Corleone dans LE PARRAIN de Coppola, et dont c'est le dernier film. Malade au début du tournage, il
décédera avant la fin du tournage emporté par un cancer. Meryl Streep ( son compagnon à l'époque) avait accepté le rôle afin de rester au maximum auprès de lui.
Cineaste de la mémoire, auteur d'une oeuvre magistrale, ce soir-là à Lyon, cela ne faisait aucun doute: Michael Cimino a signé deux des plus grandes fresques épiques, lyriques, historiques et
sidérantes du cinéma américain.
Merci à l'Institut Lumière, à Thierry Frémaux et Carlotta pour ce mémorable moment de cinéma !
Aujourd'hui réhabilité aux yeux du public, les films de Cimino, ont entamé une nouvelle carrière grâce à cette première rétrospective et leurs ressorties en salles.
L'enfer s'éloigne. Cimino tient enfin son paradis!
De retour sur le devant de la scène, Cimino est aujourd'hui ( enfin ) devenu un mythe, le dernier des géants, le dernier cowboy de son époque...
Lorraine Lambinet